Sur le front de l'art en 1914-1918

Le Musée royal de l’Armée possède un fonds iconographique 1914-1918 exceptionnel comptant quelque 1 500 œuvres (peintures, dessins, aquarelles, gravures) de près de 100 artistes. Entrez dans l’histoire du premier conflit mondial au travers un regard artistique, haut en couleur et chargé d’émotions !

La Grande Guerre bouleverse profondément la tradition picturale militaire du 19e siècle. L’armée commandait alors à des artistes établis les grandes toiles peintes destinées à illustrer les glorieuses scènes de batailles. Quant au portrait, il était réservé aux officiers qui se rendaient à l’atelier du maître pour prendre la pose. Avec l’appel d’août 1914, pour la première fois dans l’histoire de l’art militaire, les artistes n’endossent plus seulement un rôle d’observateurs du conflit, ils en deviennent acteurs !

La mobilisation appelle sous les armes, sans distinction aucune, les conscrits nés à partir de 1880. Parmi ces hommes se trouvent de jeunes artistes. De nombreux artistes dispensés de tout service du fait de leur âge ou réformés se portent volontaires. Tous n’atteindront pas le front qui se stabilise derrière l’Yser. Pendant les premiers mois de guerre de mouvement, plusieurs sont faits prisonniers. Certains, après la retraite d’Anvers en octobre 1914, s’enfuient aux Pays-Bas et sont internés, conformément aux conventions internationales. Les artistes belges ne revêtent pas tous l’uniforme. Ils sont nombreux, exemptés de tout service, à fuir le pays lors de l’invasion et à continuer leur travail en exil pendant la durée du conflit.

Les artistes combattants sont incorporés dans les différentes unités. Très tôt, l’armée prend  conscience de l’utilité de leur savoir-faire dans la stratégie militaire, soit pour effectuer des relevés dessinés des positions ennemies afin d’orienter les tirs de l’artillerie, soit pour mettre en œuvre diverses techniques de camouflage destinées à tromper l’ennemi. Quelle que soit leur appartenance régimentaire, ils continuent à créer pendant les accalmies ou les moments de repos. A l’été 1916, les autorités belges décident la création de la section artistique de l’armée belge. Ses membres, vingt-six artistes, sont libérés des tâches militaires pour se consacrer pleinement à leur art. Une production visant clairement à encourager les arts, mais qui doit surtout servir la propagande belge !

Vers une nouvelle image de la guerre

La guerre moderne change radicalement d’image. L’iconographie militaire se renouvelle. Les descriptions héroïques de batailles font place à des motifs très variés. Le paysage du front en perpétuel changement, la vie quotidienne dans les tranchées et à l’arrière et le portrait des camarades constituent les principaux thèmes de prédilection. Par autocensure, les artistes passent presque sous silence la mort, pourtant inhérente à la guerre. Les artistes prisonniers de guerre et internés donnent à voir un autre aspect du conflit : la vision depuis les camps, autrement dit le monde carcéral. Leurs œuvres traduisent essentiellement la privation de liberté et la nostalgie du pays. Quant aux scènes de la vie en Belgique, elles concernent davantage les exactions de l’ennemi que le difficile quotidien des Belges sous l’occupation.

Tous les courants stylistiques sont représentés au travers de la production artistique. Issus de différentes générations et écoles, certains artistes perpétuent le réalisme académique ou des styles de la fin du 19e siècle (symbolisme, impressionnisme), d’autres optent pour des courants plus modernistes (fauvisme, expressionnisme).